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Comme tout enfant de là-bas, à sept ans j’ai « fait ma première communion. » Et suis devenu enfant de chœur. Joie d’avoir été demandé par « monsieur le curé. » Quelqu’un s’intéresse à moi. J’apprenais des prières. Les récitais même puisque ça semblait le ravir ! Sans y croire donc.
Un adulte humain ! Mais occupé par ses églises, ses messes, son Dieu (qui naturellement n’existait toujours pas pour moi malgré la rencontre de son prétendu représentant sur terre).
J’avais déjà compris : personne n’interviendra. Si le curé m’avait manipulé, aurait-il pu me transformer en mécanique bien huilée au service d’une cause ?
La messe du dimanche était un plaisir ! J’étais une marche au dessus et pouvais les observer ; leur air bien sage dans la file d’attente de l’hostie hebdomadaire me surprenait.
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Il me menaçait souvent. « Si tu me frappes, monsieur le curé et madame Merlier le verront et je leur dirai. »
Il répondait « si tu crois que tu comptes pour eux » (traduction) mais ne cognait pas. Ma mère n’aurait jamais pu ainsi le neutraliser : il savait qu’elle n’aurait pas osé « s’humilier. »
Dire la vérité, dans leur logique, c’était s’humilier. La victime avait forcément tort et devait cacher sa honte. Des femmes battues, des fillettes violées.
Je me souviens d’un œil au beurre noir. Elle prétendait, même à moi, être tombée dans la salle de traite.
Mayline, à 7 ans, à 17 ans, n’a pas parlé. C’est donc qu’elle a été persuadée, par son environnement, qu’elle ne devait pas dénoncer le coupable. Le père de sa fille fut le premier informé, le père de son fils ignore tout. Elle m’a raconté car nous en étions certains : pour la vie ; et je suis le seul à savoir qu’avec Alexandra, sa « meilleure amie », leurs relations furent parfois sexuelles (elle avait lu mon « théâtre complet », donc la pièce où je me mets en scène avec deux sœurs ; nous a-t-elle imaginés ainsi à trois, quand la graphiste reviendrait de son exil londonien ?)
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Mon monde se limitait à Hunier et Vublon. Borodiville existait, je savais, sans jamais y être même passé. Madame Merlier, mademoiselle Turpin, monsieur Merlier : des extra-terrestres. Bien habillés, sans mauvaise odeur et parlant correctement. Des êtres différents existent ! J’ai envie d’obtenir des bonnes notes. J’écoute tout. Mais c’est difficile. Je sens qu’Agnès comprend toujours avant moi. Il m’a fallu des années avant d’avoir un mot et la réflexion pour qualifier mon monde : médiocrité. Je ne leur ai jamais connu une seule vraie pensée. Encore aujourd’hui, quand ma mère parle, je sais qu’elle reformule des choses entendues.
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Peut-être un roman autobiographique
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